Archiv für Mai 2015

Le possible peut-il être perçu ?

Différentes théories psychologiques de la perception soutiennent aujourd’hui que le possible est quelque chose que nous percevons. Pour l’approche écologique par exemple, la perception fournit un accès direct aux possibilités d’action potentialisées par les structures de l’environnement. Cette idée est-elle légitime ? Peut-on réellement percevoir le possible ? Si la perception nous branche sur le réel, ne faut-il pas justement se libérer de la perception pour accéder au possible ? Dès lors, le possible n’est-il pas plutôt pensé que perçu, l’objet d’un savoir et non pas d’un voir ?
Répondre à ces questions nécessite d’examiner si la thèse que le possible est perçu est en cohérence avec : (a) la structure phénoménologique de l’objet perçu ; (b) nos modèles du fonctionnement de la perception, en particulier le modèle causal standard. Cet examen permet de montrer que si, dans un sens phénoménologique strict, le possible n’est pas quelque chose qui apparaît sur le mode de l’objectité perç…

Possibilité objective et causation adéquate dans l’approche causale en histoire

Ce texte constitue la seconde partie d’un triptyque inachevé, dont les deux premières parties paraissent en 1906 dans la revue dirigée par Weber, l’Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik (1906a et 1906b qui seront désormais cités dans Weber 1988, respectivement p. 215-265 et p. 266-290). Dans ces deux textes, Weber entend proposer une clarification des soubassements logiques qui sous-tendent la pratique effective des historiens et préciser les conditions d’une histoire scientifique, en suivant pour fil conducteur les pratiques de l’historien de l’Antiquité Eduard Meyer, ainsi que les théorisations que ce dernier a proposées de ces pratiques dans ses propres textes méthodologiques. Là où la première partie de l’article passait en revue sans les articuler nettement une série de thèses méthodologiques proposées par Meyer, la seconde se signale au contraire par sa remarquable unité. En partant d’une réflexion apparemment incidente de Meyer concernant le peu d’intérêt des questi…

Viabilité, probabilités, induction

Quand le calcul des probabilités favorise la croyance en un devenir immédiat, la recherche opérationnelle, elle, prescrit une liste de commandes afin d’atteindre un objectif donné, en général en optimisant un certain critère. Le calcul par inclusion différentielle s’appuie, lui, sur le concept de directions contingentes sans poser de probabilité sur chacune d’elles, sans non plus rechercher une trajectoire optimale. Parmi les directions ouvertes à partir de l’état présent, certaines font perdre toute possibilité de se maintenir dans un ensemble donné. Les autres sont dites viables. Ce principe de maintien est décliné en principe d’acquisition lorsqu’il s’agit d’atteindre une cible et en principe de victoire dans les jeux dynamiques. La théorie du cycle de vie viable sert de cas exemplaire pour présenter ces idées dans une situation réaliste. La caractérisation des états par leur statut de viabilité permet de tracer une carte cognitive du futur, mais aussi du passé. Pour le passé, le…

L’autorité des faits : Horkheimer face à la fermeture des possibles

La théorie critique de la société développée par la « première génération » de l’École de Francfort se définit comme une théorie historique prenant en compte la réalité sociale dans laquelle elle se déploie et sur laquelle elle entend agir. Elle diffère de la théorie traditionnelle, sur le plan de la méthode elle-même, en ceci qu’elle se réfère à un porteur historique de la critique (le destinataire par excellence étant, dans l’héritage marxiste, le prolétariat), ou du moins qu’elle s’ancre dans un intérêt pratique à l’émancipation. Le possible qu’il s’agit, pour la théorie critique, d’ouvrir au sein du réel est initialement le possible révolutionnaire, qui doit conduire à l’avènement d’une société d’hommes libres. Tout au long des années 1930, dans les écrits de Max Horkheimer, la possibilité révolutionnaire est lentement refermée. Mais malgré ces mises à distance successives, le modèle du possible, qui est initialement lié à une référence, plus ou moins explicite, aux possibilités…

Contingence, déterminisme et « just-so stories »

Sont évoqués ici un certain nombre d’usages distincts du concept de contingence. L’accent est mis sur les liens entre la contingence et l’indéterminisme et le déterminisme. Associer la contingence à l’indéterminisme nous semble problématique. Un autre usage fréquent du concept de contingence est ce que nous appelons la contingence épistémique. Celle-ci, associée aux conjonctions spatio-temporelles, est indissociable de concepts comme les conditions aux limites (la façon dont les humains perçoivent le monde) et les conditions initiales. Ces dernières, souvent ignorées, constituent pourtant un pan entier de la causalité (à côté des lois de la nature), et expliquent les phénomènes spatio-temporels de l’univers. Nous avançons l’hypothèse que ce que les humains perçoivent comme contingent provient du caractère irrégulier des conditions initiales dans l’univers. Cette question des conditions est centrale dans toute entreprise de compréhension du monde et, contrairement à ce que l’on pense…

Une conception réaliste des contrefactuels

Le propos du texte qui occupe le huitième et dernier chapitre de l’ouvrage Inquiry publié par Stalnaker en 1984, et dont nous proposons ici une traduction inédite en français, concerne les fondements philosophiques de cette logique des contrefactuels. La volonté, chez son auteur, d’y défendre une conception réaliste des contrefactuels lui confère un intérêt tout particulier du point de vue du projet qui guide ce numéro, à savoir la définition d’une approche réaliste du possible en sciences humaines et sociales.

Nous nous proposons dans ce qui suit de donner quelques éléments sur la logique des contrefactuels élaborée par Stalnaker et la conception des mondes possibles qu’il défend, avant de situer la question du réalisme.

La théorie de Stalnaker est construite autour de l’idée générale que pour savoir si un contrefactuel de la forme A > C est vrai, il suffit de savoir si son conséquent C’est vrai dans le monde possible qui, parmi tous ceux dans lesquels l’antécédent A est vrai, diffèr…

Contingence historique et contiguïté des possibles

« Ce qui aurait pu ou pourrait ne pas être » : la référence à des mondes possibles est intrinsèque à la notion de contingence, aussi vague et intuitive que cette notion puisse être. De façon tout aussi indistincte, les usages informels de la notion lui adjoignent l’idée d’indétermination. L’objet de cet article est d’envisager dans quelle mesure et à quelles conditions ces arrière-plans sémantiques peuvent se voir attribuer un contenu positif. Comment comprendre l’absence de nécessité et quel rôle incombe au possible dans cette absence ? Prenant acte de situations où le futur apparaît vacillant, cet article élabore une conception réaliste de la contingence historique en termes de contiguïté des possibles, il contraste cette conception avec la définition de Cournot, spécifie les traces indiciaires qui en permettent le repérage empirique et dévide ses implications pour l’analyse du changement en histoire.

Possibilités réelles

La montée en puissance des programmes constructionnistes en sciences humaines et sociales a eu pour conséquence – sans doute secondaire, mais généralement non interrogée – de rouvrir dans plusieurs disciplines le territoire du possible (Hacking, 2001). D’un côté, en insistant sur la dimension de contingence radicale, de possibilité, voire de réversibilité des phénomènes sociaux – qui va de pair avec l’idée de leur « constructibilité » – le constructionnisme social a ouvert une double opportunité. Il a d’une part mis en évidence, contre les modèles de la décision et du calcul rationnel qui dominent en sciences sociales, que le possible n’est pas seulement réductible à l’espace de la délibération et des options d’un choix, mais qu’il est quelque chose du réel lui-même. D’autre part, contre les explications mécanistes des comportements humains, il a montré qu’on ne pouvait pas non plus le définir de manière seulement négative, comme les zones d’indétermination que laisse ouvertes la de…

Pour un statactivisme. La quantification comme instrument d’ouverture du possible

Classiquement, ce sont les probabilités qui font le lien entre les statistiques et le possible (Daston, 1988). Pourtant, en reprenant les propositions de Luc Boltanski dans De la critique, on peut distinguer deux façons de les lier. D’un côté, conformément à cette tradition classique, « le risque, en tant qu’il est probabilisable, constitue précisément un des instruments de construction de la réalité inventés au xviie siècle » (Boltanski, 2009, p. 93) ; il est pensable à partir de formats et d’épreuves relativement stabilisés. D’un autre côté, « tout événement n’est pas maîtrisable dans la logique du risque, en sorte qu’il demeure une part inconnue d’incertitude » (ibid.). C’est ainsi que Boltanski introduit la distinction entre, d’une part, « la réalité » qui « tend à se confondre avec ce qui paraît se tenir […] en quelque sorte par sa seule force, c’est-à-dire avec l’ordre » et, de l’autre, « le monde » comme « tout ce qui arrive », l’ensemble « des événements ou des expériences, …

Bushfire catastrophe in Victoria, Australia: public record, accountability, commemoration, memorialization and heritage protection

10.1080/14608944.2015.1019207<br/>William Logan